Immobilier : une année inédite, une reprise hésitante et le spectre d’un “Krach”…
Jamais dans l’Histoire moderne le marché immobilier n’a connu un arrêt net en mode “On – Off”. Lors de la crise américaine des subprimes, dernier cataclysme en date pour le secteur, le marché immobilier avait accusé une baisse lente et diffuse sur plusieurs années, avant de rebondir avec la reprise économique. En mars 2020, nous avons plutôt assisté à un arrêt sur image, avec un report des projets immobiliers des uns et des autres.
Avant d’aborder l’impact économique du confinement, des restrictions au déplacement (couvre-feu annoncé en Île-de-France et dans huit métropoles à partir du samedi 17 octobre 2020) et de la crise qui devrait découler du fonctionnement au ralenti de l’économie, intéressons-nous un instant à un phénomène qualitatif : les Français ont changé leurs critères de choix d’un logement.
Confinement : le jour d’après sera vert…
Anticipant l’éventualité de confinements intempestifs, de couvre-feux et, plus largement, d’une tendance à passer plus de temps chez soi en temps de forte circulation du virus, les Français accordent de plus en plus d’importance au cadre de vie que pourrait leur offrir leur nouveau logement. C’est en tout cas ce qui ressort de l’enquête OpinionWay pour Stihl France menée en juillet 2020. On apprend par exemple qu’un Français sur deux envisage un achat immobilier avec jardin… un projet qui reste viable au vu des taux de crédit immobilier historiquement bas.
Que ce soit avec un balcon de bonne taille, une terrasse sans vis-à-vis ou un jardin, les Français qui aspirent à une acquisition immobilière ne s’imaginent plus faire l’impasse sur un petit bout de nature, quitte à s’éloigner des centres-villes. D’ailleurs, le confinement a réveillé le jardinier en herbe qui sommeille en ceux qui ont la chance de vivre dans un logement avec un petit coin de verdure. Toujours selon cette enquête, les confinés sans jardin déclarent avoir reçu “un coup au moral” avec la fermeture des parcs et jardins publics. Dans le détail :
- 55 % des sondés estiment que le jardin est désormais une condition indispensable pour toute éventuelle acquisition immobilière ;
- 59 % des sondés avouent avoir ressenti le besoin de se connecter à la nature pendant le confinement ;
- Chez les 18 – 24 ans, pourtant très portés sur les métropoles, cette proportion monte à 75 % ;
- Près d’un Français sur trois évoque le projet de quitter la ville pour s’installer à la campagne ;
- Le boom du télétravail abonde dans ce sens.
Il faut dire que les conditions d’un exode urbain sont là : le crédit immobilier reste très bas selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA (autour de 1,25 %), le prix de la pierre dans les villes moyennes, les périphéries des grandes villes et les zones rurales baisse, etc. Si le télétravail venait à gagner plus de terrain, les travailleurs français pourraient très bien réinjecter les dépenses de transport, d’habillement et d’alimentation économisées dans un crédit immobilier pour monter en gamme.
Etat des lieux du marché immobilier au 3e trimestre 2020
En 2019, de nombreux records avaient été battus par un secteur immobilier tonitruant, bénéficiant d’un concours de circonstances inédit avec la baisse des taux, une légère amélioration du pouvoir d’achat des ménages et un certain optimisme sur le côté “valeur refuge” de la pierre. Le cap symbolique du million de transactions avait d’ailleurs été franchi.
En 2020, les professionnels ont d’abord envisagé le pire, craignant un prolongement du confinement et des restrictions au déplacement qui rendent les visites de biens impossibles. Aujourd’hui, l’optimisme est de mise. Alors oui, le cabinet Xerfi s’attend à une baisse des transactions dans l’ancien de l’ordre de 20 % en 2020, avant une progression de 2 % en 2021. Cette évolution volatile ne sera pas sans conséquence :
- Nous devrions assister à un rééquilibrage du marché en faveur des acquéreurs qui vont gagner en pouvoir de négociation ;
- On s’attend à une baisse des prix de l’ancien de l’ordre de 3 % en 2021 ;
- Les taux du crédit immobilier devraient légèrement s’apprécier.
Selon une étude de terrain de la Fnaim menée le 11 mai dernier, soit le jour de reprise des visites, une agence sur cinq disposait de moins d’un mois de trésorerie. Comment a évolué la situation, près de cinq mois plus tard ?
Comme pour tous les secteurs d’économie, à l’exception du tourisme et de l’événementiel, les dégâts ont été moins importants que prévus. Disons-le clairement : le marché de l’immobilier a retrouvé des couleurs en France… mais la capitale reste à la peine. Ainsi, sur l’ensemble du territoire, le nombre de ventes de maisons a bondi de 19,6 % au troisième trimestre en comparaison avec la même période en 2019. Les ventes d’appartements ont quant à elles gagné 3,7 points sur la même période. De manière globale, la demande reste largement supérieure à l’offre au niveau national, avec un lent atterrissage des prix.
Notons par ailleurs que le financement de l’achat immobilier reste attractif, avec des taux d’intérêt qui perdurent à des niveaux planchers. Les acquéreurs devraient donc continuer à solliciter une bonne partie, voire la totalité de leur capacité d’endettement, ce qui rejoint la tendance d’une montée en gamme avec des biens avec jardin, terrasse ou balcon, à minima. Le profil qui progresse le plus chez les acheteurs est le cadre moyen, qui représente environ 25 % du total des transactions. Le rêve de la maison secondaire, massivement exprimé par les Français pendant le confinement, ne s’est toutefois pas concrétisé, puisque la part de ce type de résidences stagne à 7 % de l’ensemble des acquisitions.
Le cas particulier de la capitale…
Paris cultive sa différence, pour le meilleur et pour le pire. La capitale a vu son activité immobilière s’effondrer d’environ 18 % au troisième trimestre 2020, avec une augmentation des prix de l’ordre de 4,6 %. Le mètre carré a atteint une moyenne de 10 527 € pour un montant moyen d’achat immobilier de 536 066 €. La quotité financée par emprunt caracole désormais à 82,2 % du montant de l’acquisition, avec une hausse de 13,8 % en un an. Dans le détail, ce sont les cadres supérieurs et les professions libérales qui achètent le plus dans la capitale (44 % du total des transactions), et les résidences principales représentent l’essentiel des ventes (59,3 %) contre un tiers d’acquisitions destinées à l’achat de type placement.
L’exception parisienne est d’autant plus marquée que l’Île-de-France est à l’exact opposé de la capitale. L’activité y est importante, avec une progression de 13,5 % dans l’acquisition de maisons et de 6,6 % dans l’achat d’appartements. Il semblerait donc que les acquéreurs boudent Paris à la faveur de départements plus abordables, mais aussi plus verts. La forte demande a fait flamber les prix qui s’envolent de 10 % pour les maisons, tout en restant (très) loin des records de la capitale (- 70 % en moyenne). Le placement dans la pierre reste dynamique dans la région francilienne, avec un bond de 15 % dans l’investissement locatif par rapport à l’année dernière.
L’hypothèse du “Krach” de 2021 fait grincer des dents
A mesure que les professionnels de l’immobilier ont retrouvé leurs bureaux, le spectre d’un Krach immobilier au sens propre s’est peu à peu éloigné. Alors oui, les acheteurs trient avec plus d’attention, éliminant parfois de facto les biens sans terrasse, balcon ou jardin, mais le secteur a retrouvé un dynamisme qui n’augure pas d’une crise aiguë imminente.
La crise sanitaire devrait provoquer des récessions en série dans le monde, une chute lourde des marchés boursiers, une explosion du chômage, une baisse de la consommation et des investissements, un déclin des exportations et des politiques d’austérité plus ou moins violentes. Mais à la différence des deux crises économiques de 1929 et de 2008, des enseignements ont été tirés.
Les gouvernements des pays développés se sont tous employés à lancer des politiques de relance monétaire et budgétaire dans l’urgence. La France est d’ailleurs le pays européen qui a le plus accompagné les professionnels et les travailleurs pour sauver des entreprises et des emplois et lisser la chute de la consommation. Les moyens déployés et la réactivité constatée sont donc sans commune mesure avec ce qui avait été fait lors des crises de 1929 et de 2008.
Enfin, la typologie de la crise est inédite : nous ne sommes pas face à l’éclatement d’une bulle avec un effet systémique, mais dans une situation de type On – Off qui change au gré de la vitesse de circulation du virus. Et comme la probabilité d’aboutir à un traitement efficace ou de découvrir un vaccin contre le nouveau coronavirus augmente jour après jour, le secteur de l’immobilier devrait vite retrouver sa vigueur historique.
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